Défiscalisation de la pension alimentaire
Vote ce jour, 25 octobre 2025, de la défiscalisation de la pension alimentaire, à l’occasion de la présentation du budget 2026 à l’Assemblée. Il s’agit là d’un premier pas en réparation d’une injustice majeure de la fiscalité française. Mais la route est encore longue pour crier victoire pour les mères isolées.
En effet, il s’agissait d’une réelle injustice, car si la pension alimentaire versée par le parent non gardien (dans 97% des cas les pères), était défiscalisée, en contrepartie elle était fiscalisée pour le parent gardien, dans la majorité des cas les mères. La défiscalisation de la pension alimentaire répare donc une injustice majeure car la fiscalisation de la dite pension alimentaire au titre des revenus pour le parent gardien avait pour lui un effet double peine, la pension alimentaire étant doublement comptabilisée, au titre de ses revenus dans le calcul de l’impôt et au titre des ressources dans le calcul de ses aides, une double injustice pour les mères isolées.
Il semble tout d’abord important de rappeler que la pension alimentaire n’est en rien un revenu pour le parent gardien, mais une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Il était donc également profondément injuste pour les enfants, à qui revient cette contribution, que l’Etat puisse en ponctionner une partie.
Chacun des différents amendements présentés dans le cadre du vote du budget 2026 relativement à la pension alimentaire, quel que soit le bord politique, s’accordent sur le fait qu’il y avait là une injustice pour les parents receveur et chacun y a vu l’intérêt de ne plus faire de cadeau fiscal au parent verseur, car il y’a bien là une niche fiscale qui rapportera 450 millions d’euros par an, de quoi combler le déficit budgétaire. Qu’il s’agisse de l’amendement adopté porté par Marie-Charlotte Garin du groupe écologiste, de celui porté par Sarah Legrain, députée LFI, de celui de Philippe Brun, député socialiste, de la proposition d’amendement de Céline Thiebault, également socialiste, de celle de Marie Pierre Rixain, députée Renaissance ou encore Sophia Chirikou, députée LFI, tous se rejoignent donc, contre l’avis du gouvernmement pour adopter la défiscalisation de la pension alimentaire. Un premier pas vers la victoire que cet accord transpartisan.
Cependant, cette proposition de loi n’impactera que de façon mineure les foyers monoparentaux, si on devait s’en arrêter là, car ils sont déjà majoritairement non imposable. Il est donc indispensable d’ouvrir une brèche sur la question des pensions alimentaires qui dans 40% des cas demeurent impayées. C’est bel et bien là que doit se trouver le levier d’action afin d’enrayer le cycle des violences économiques faites aux mères isolées : d’une part la récupération des impayés de pension alimentaire et d’autre part un calcul plus équitable de cette pension.
A l’heure actuelle la pension moyenne est de 190€ par mois, ce qui est loin de couvrir la moitié du coût moyen des dépenses liées à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, établi à 750€ par mois (chiffre sur lequel se base chacune des propositions d’amendement présentées). Rajoutons de surcroit que c’est d’autant plus insuffisant que ce chiffre de 750€ par mois en moyenne, soit 9000€ par an est en dessous de la réalité puisqu’il émane d’une étude de la DREES de 2016 et que c’est donc sans compter l’inflation. A titre d’exemple, l’étude de l’IRES de 2022 établit à +41.9% le coût du logement, à +38.5% la hausse du carburant, à +33.6% le coût des hébergements de vacances… Au bout du compte 21% des familles monoparentales se retrouvent en situation de mal logement, 29% d’entres elles sont en situation de privation alimentaire et matérielle et le budget culture et loisir est amputé selon cette même étude. L’IRES établit qu’il faudrait justifier d’un revenu de 3003€ par mois pour une famille monoparentale avec 2 enfants pour prétendre au revenu minimum décent. Nombre de familles monoparentales ont basculé en dessous du revenu minimum décent avec l’inflation de ces dernières années et les enfants en payent le prix fort eu égard à l’insuffisance des pensions alimentaires.
La DREES dans son rapport de 2016 rappelle qu’au delà de 14 ans, le coût moyen d’un enfant est de 1041€ par mois (soit 12500€ par an) et en deçà de 12 ans de 625€ par mois (soit 7500€ par an). Y’a-t-il donc une erreur de calcul quant au plafond annuel de 4000€ par enfant, ce qui revient à 333€ par mois. Une répartition équitable des dépenses entre parents gardien et non gardien voudrait que chacun d’entre eux verse 375€ afin de couvrir les 750€ de coût d’entretien de l’enfant, soit 4500€ par an. Le plafond prévu est donc insuffisant.
A cela, il faut ajouter une autre précision qui a son importance : avec une pension alimentaire moyenne établie à 190€ au lieu de 375€ par mois, le manque à gagner pèse lourd sur les enfants en terme d’égalité des chances car a aucun moment il n’est tenu compte des besoins de l’enfant dans le calcul de la dite pension. Par ailleurs les magistrats et l’aripa ne s’accordent pas sur le mode de calcul de la pension alimentaire. Mais dans un cas comme dans l’autre, seul les revenus du parent verseur sont pris en compte et non les besoins de l’enfant.
La collective des mères isolées rappelle que dans 85% des cas ces foyers monoparentaux sont portés par des mères isolées qui cumulent tous les défis : accès à la santé, au travail et à une vie décente. Dans 40.5% des cas ces enfants grandissent en dessous du seuil de pauvreté et 29% de ces familles sont en situation de privation selon la dernière étude de l’IRES de 2022.
La Collective des mères isolées est donc loin de crier victoire sur la question des pensions alimentaires et rappelle l’importance des 5 priorités et 16 mesures établies dans sa proposition de loi, lesquelles seraient afférentes à la création d’un statut de parent isolé afin de permettre aux mères isolées et leurs enfants de sortir de la précarité. (voir l’argumentaire de la proposition de loi portée par la Collective des Mères Isolées https://blogs.mediapart.fr/collective-des-meres-isolees/blog/110923/proposition-de-loi-pour-la-creation-dun-statut-de-parent-isole)

Nous trouvons salutaire que le député Philippe Brun dans sa proposition d’amendement rappelle l’importance de la création d’un statut de parent isolé légalement reconnu, lequel donnerait aussi accès à tout un ensemble de droits afférents en matière d’accès à la santé, au travail, à l’éducation, à la culture et aux loisirs.
Les propositions votées ce jour, aussi salutaires soient-elles en matière de justice fiscale, gardent encore un goût de tiédeur. Philippe Brun dans son amendement proposait d’accorder une demi-part au père dans le calcul du quotient familial, afin dit-il de ne pas trop désavantager le parent verseur (soit le père). Est-il donc acceptable d’entendre que la mère et les enfants soient à ce point pénalisés dans le calcul de la dite pension ? Rappelons tout de même que la perte de revenus pour la mère en cas de séparation est de 28% en moyenne et qu’elle est largement moindre pour les pères en raison des nombreux avantages dont bénéficient déjà les hommes (en matière d’accès au travail et avantages salariaux). La pensions alimentaire ne compense en rien le différentiel de revenu père / mère. Il en va d’ailleurs de même dans le couple ou l’écart de revenu constaté entre le père et la mère dès la naissance du premier enfant s’élève à 28% et se creuse allant jusqu’à 165% d’écart de revenu au delà de 3 enfants. Mais pareille inégalité semble communément admise, sans même que le conger de naissance n’y approrte de réponse satisfaisante qui enjoindrait d’avantage les pères à assumer au détriment de leur carrière la charge du congé parental.
La collective des mères isolées rappelle que les mères isolées ne réclament ni avantages, ni privilèges fiscaux, mais des droits équitables et inaliénables pour elles-mêmes et leurs enfants car il s’agit là d’une question d’égalité républicaine femmes-hommes-enfants.
Cet amendement est passé ce jour, contre l’avis du gouvernment, et notamment contre l’avis de la ministre des comptes publics Amélie de Montchalain qui s’y est dite défavorable sous le pretexte que cet amendement avantagerait les plus aisés et désavantagerait les plus précaires. Une réponse en rien tangible. Le gain est nul pour les familles monoparentales précaires et c’est une évidence puisqu’elles ne sont pas imposables, et quant aux familles aisées, la défiscalisation étant soumise à un plafonnement de 12000€, il n’y a également aucun risque qu’elles y trouvent un quelqconque avantage. Enfin pourquoi 12000€ de plafond au total ? Et pour une famille monoparentale de 4 enfants, quelle injustice car 4000€ par enfant par 4 enfants font 16000€ et non 12000€. Pour ces familles là le plafond est dépassé et elles se veraient pénalisées car imposables pour le 4ème enfant.
Cette mesure change-t-elle donc vraiment le quotidien des mères isolées ? Non, même si toutesfois elle rétablit une injustice majeure. Il est donc indsipensable d’aller plus loin et de permettre comme c’est le cas au Canada le prélèvement de la pension alimentaire à la source pour mettre fin aux impayés de pension. Le dispositif de récupération des pensions, l’aripa est onéreux et n’est pas suffisamment éfficient puisqu’il s’est fixé pour objectif d’arriver à 30% d’impayé de pension. Est-ce satisfaisant ?
Il faudrait également s’accorder sur un calcul plus juste de la pension alimentaire, tel qu’il prenne en compte les besoins réels de l’enfant et non l’unique revenu du parent gardien. Là encore la question est abordée par Philippe Brun qui évoque la prise en compte des besoins de l’enfant et c’est heureux car dans la réalité des faits, les besoins de l’enfant ne sont jamais considérés et nombre de pères vont jusqu’à organiser leur insolvabilité afin de ne pas verser de pension.
Il y’a donc encore du chemin à faire avant de crier victoire, mais la Collective des Mères Isolées et nombres d’autres associations de familles monoparentales qui ont vu le jour depuis sont en marche.

