Question de société : Violences faites aux femmes, quid du contrôle coercitif ?
Invitation de la Collective des Mères Isolées sur le plateau du magazine « Questions de société » pour l’enregistrement d’une émission à paraître en septembre prochain sur les violences faites aux femmes, violences physiques, psychologiques, juridiques, économiques, politiques et institutionnelles. 80% des femmes victimes de violence sont des mères.

Entre autres sujets abordés, le contrôle coercitif. En effet, si une importante proposition de loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles vient d’ être examinée au sénat ce 3 avril dernier. Quid de la violence du contrôle coercitif qui ne semble pas clairement circonscrit par cette proposition de loi ?
Dans son livre Andrea Gruev Vintila estime à 60% le nombre de femmes ayant subi au moins une forme de violence au sortir d’une séparation.
Au quotidien, l’enjeu, avant même la reconnaissance de ces violences au sortir de la séparation, c’est de s’en libérer. Quand on vit sous contrôle, nous parlerons ici de contrôle coercitif, quand on comprend les stratégies de l’agresseur et la logique du phénomène, on sait finalement, qu’une séparation n’est que le recommencement annoncé de nouvelles formes de violences.
Le partage de l’autorité parentale notamment laisse les mères dans l’impossibilité de rompre réellement avec l’ex-agresseur, et ce jusqu’à la majorité de l’enfant. L’agresseur garde le pouvoir, et pire encore puisque nos institutions légitiment ce pouvoir, ainsi que celui de l’emprise. Pouvoir décisionnaire pour tout acte lié à l’éducation et la santé de l’enfant par exemple, pouvoir de disposer du temps de la mère autant que de celui de l’enfant, pouvoir de poursuivre au pénal pour non-représentation d’enfant une mère qui protège justement son enfant, pouvoir d’exercer librement un « droit » de visite et d’hébergement, selon les textes de la loi, et non « devoir » de s’acquitter de sa responsabilité liée à l’autorité parentale. Pouvoir juridique et économique de continuer à exercer les violences.
Si le juge aux affaires familiales a déjà le droit de refuser le partage de l’autorité parentale en cas de crime ou de délit commis sur la personne de son conjoint ou de son enfant selon l’article 373-2-1 du Code civil, renforcé par la loi Santiago du 18 mars 2024), il s’avère que dans les faits elle n’est quasiment jamais retirée.
Investigation coûteuse des violences, massification des plaintes pour violences conjugales, discordances entre le civil et le pénal, si bien que les plaintes pour violence peinent à aboutir et ne sont que rarement remontées lors de l’audience devant le juge aux affaires familiales, laquelle dure en moyenne 15 minutes.
Mêmes reconnues ces violences sont très souvent requalifiées en « conflit », ou pire, elles sont classées sans suite. Sur 298 000 plaintes de violences sur mineur en 2020, seuls 58 agresseurs se sont vus condamnés et retirer l’autorité parentale. Dans les faits, l’autorité parentale n’est que rarement retirée à l’auteur des violences, car en pratique, on continue à « séparer le conjoint du père » et à faire prévaloir sur toute autre conception la prévalence du « lien » avec les deux parents.
Dans ce contexte, affirmer que par défaut l’autorité parentale conjointe doit être retirée en cas de « contrôle coercitif » est le cœur du sujet. C’est ce qui peut faire que cette loi changera tout dans la vie des victimes, ou qu’elle ne changera rien. Car tant que l’autorité parentale est conjointe, la violence du contrôle coercitif ne peut pas cesser, ne peut pas s’arrêter. Les femmes et les enfants ne peuvent s’en libérer.
Expliquer ce qu’est la violence conjugale, l’inscrire dans la loi, l’objectiver, objectiver toute forme de violence, psychologique, physique, institutionnelle, juridique, économique, c’est la question que nous avons abordée sur ce plateau.
Mettre des mots sur les violences, former tout personnel institutionnel aux protocoles d’écoute NICHD, sensibiliser les magistrats à ces nouveaux outils conceptuels que sont les dernières études sur le contrôle coercitif permettrait de faire enfin entendre et peser la voix des victimes. La cour d’appel de Poitiers a fait jurisprudence en 2024. A suivre pour une réforme de la Justice aux Affaires Familiales qui protègerait les mères et les enfants…