|

La réforme du complément de libre choix de mode de garde. Une fausse bonne nouvelle ?

La Collective des Mères Isolées alerte depuis 2022 sur l’urgence à apporter des réponses d’envergure à la précarisation à marche forcée des foyers monoparentaux. Elle est entrée en campagne pour les présidentielles avec un programme en 22 mesures ciblant 5 priorités pour permettre l’accès au travail, au logement, à la santé, à l’éducation, à la culture et aux loisirs des familles monoparentales. Si en Un premier élément de réponse vient d’être apporté et confirmé par la sénatrice Colombe Brossel : le complément du libre choix de mode de garde sera bien prolongé jusqu’aux 12 ans de l’enfant. C’est en effet un premier levier d’action majeur qui permettra d’enrayer pour partie le continuum des violences économiques faites aux familles monoparentales et une promesse de campagne tenue. Nous ne pouvons que saluer une mesure qui devrait profiter. Mais un train ne peut-il pas en cacher un autre ?

Rappelons qu’en 2015 on dénombrait 35% de familles monoparentales dites pauvres, en 2021 on en recensait 55%. Plus préoccupant encore, 40.5% des enfants issus des foyers monoparentaux grandissent en dessous du seuil de pauvreté. Ils transmettront cette précarité en héritage à la France de demain. L’enjeu politique et économique est donc de taille : inverser la courbe d’une précarité croissante.

Permettre le retour à l’emploi des mères isolées, et plus généralement des femmes, via la prolongation du libre choix de mode de garde est indéniablement le levier majeur puisque 1 mère isolée sur 3 est sans emploi et que les pères sont plus souvent en emploi que les mères  (dans 81% des cas pour les pères contre 67% pour les mères d’après les chiffres de l’Insee de 2020. Dans le cas des familles monoparentales qui sont majoritairement portées par des mères, c’est sans compter les abandons de carrière à marche forcée en raison des problématiques de garde d’enfant et le fait que 37% des mères isolées sont en temps partiel subi et 20% d’entre elles sont en CDD.

Ce que taisait cette promesse de campagne, ce sont les aménagements connexes à cette proposition de réforme du CMG qui supprime la bonification de 30% pour les foyers monoparentaux et la bonification de 40% accordée aux familles en situation de handicap. Considérant que dans 33% des cas les familles faisant face à une situation de handicap sont des familles monoparentales, inutile de préciser que c’est un effet double peine pour ces familles qui cumulent de surcroit toutes les difficultés afférant à la monoparentalité et au handicap. Ici encore une fois, il s’agit d’une question genrée puisque dans 9 cas sur 10 le parent aidant est la mère lorsqu’il y’a un enfant en situation de handicap. Rappelons aussi que la bonification du CMG en cas de monoparentalité ne peut compenser l’absence d’un deuxième revenu en regard de ce que coûte un enfant et de ce que coûtent les frais de garde. Il est financièrement plus viable pour une mère isolée d’interrompre son activité professionnelle, pour garder elle même son enfant et de se contenter du RSA. Car dans le cas inverse, en conservant son travail et en déduisant les frais de garde connexes, il lui reste au final moins que l’équivalent d’un RSA à la fin du mois pour vivre.

La réforme du CMG telle quelle est mise en œuvre aura-t-elle donc l’effet escompté de pouvoir permettre aux mères isolées de retourner vers l’emploi ? Nous pouvons d’ores et déjà affirmer que non. Le simulateur de la CAF, qui devait être mis à jour en juin pour pouvoir permettre un calcul réel des droits, n’est pas encore fonctionnel et nous ne ferons aucune spéculation. Cependant une évidence est déjà certaine, cette réforme est avantageuse pour les familles en couple (bénéficiant de 2 revenus) qui ont tout à y gagner. En revanche, avec un budget déjà précaire pour les familles monoparentales qui sont dans 29% des cas en situation de privation matérielle, la perte de bonification est réellement impactante. Au vu des simulations faites, si la réforme permet un gain assez conséquent pour les familles en couple, pour les familles monoparentales il y’a perte de ressource, avec un effet aggravant constaté pour les familles en situation de handicap. Les familles monoparentales et en situation de handicap payent donc le prix de cette réforme puisque l’avantage de la majoration qui leur était acquise leur est soustrait, au profit de la prolongation du CMG qui avantage les familles en couple et non les familles monoparentales. Si l’objectif était de permettre l’accès au travail des mères isolées, levier majeur pour résorber la précarité, il est manqué.

Au final, le train de cette réforme en cachait bien un autre, qui creusera d’autant les écarts entre familles en couple et familles monoparentales. Si Gabriel Attal avait déclaré qu’il était temps de « désmicardiser la France », pour les familles monoparentales et en situation de handicap il en va tout autrement. Le déclassement social guette inévitablement les familles monoparentales privées d’un revenu. Avec l’inflation constante depuis 2014, comme mis en évidence dans cette étude, et notamment avec +15.6% sur les frais de mode de garde, nombre de familles monoparentales ont subi un déclassement social. A titre d’exemple, le rapport de l’IRES 2022 estime qu’il faudrait un revenu de 3003€ par mois pour une famille monoparentale avec 2 enfants pour prétendre au revenu minimum décent. Privées de la bonification du CMG, combien de familles de plus vont-elles basculer vers la pauvreté ?

Cette réforme est inéquitable. c’est un pilier et elle doit être retravaillée. La Collective des Mères Isolées renvoie donc à l’ensemble des propositions établies dans sa proposition de loi.

Publications similaires